« Là, on clique sur suivant, comme ça le module d’e-learning est interactif »… ou pas ! S’il y a bien un truc qui m’agace dans les parcours d’e-learning, c’est quand on me demande de cliquer sur « suivant » et qu’on me vend ça comme « un module interactif». Je vais être un peu rude, mais non, ce n’est pas parce que je me transforme en cliqueuse folle que je suis en interactivité ! Pour moi une bonne conception de module d’e-learning passe aussi par la chasse aux clics inutiles. Dans cet article j’explique :
- pourquoi la notion d’interactivité est importante en e-learning,
- pourquoi cliquer sur « suivant » est un geste important sans être de l’interactivité,
- à quoi peuvent ressembler de véritables mesures d’interactivité en e-learning.
L’e-learning doit être interactif
Apprendre quelque chose, acquérir de nouvelles compétences c’est une action. On peut apprendre par imprégnation en ayant vécu quelque chose. L’action est peut-être alors inconsciente mais elle a bien lieu. Plus souvent, on apprend volontairement et en se mettant en action… d’apprendre ! On sait par ailleurs que l’on apprend mieux lorsque le degré de passivité est bas (c’est de là que part l’histoire du cône de Dale que je raconte dans cet article). Pour apprendre la personne en formation doit faire quelque chose : lire, reformuler, expérimenter, essayer, analyser, imaginer, etc.
Or la présence de l’écran nous envoie une image de passivité. L’écran fait référence à la télévision, aux séries, aux films et donc aux loisirs. Ce n’est pas une référence qui implique un fort niveau d’engagement. Et puis l’écran fait écran. Impossible de percevoir ce qui va se jouer avec les personnes en formation, puisque l’écran supprime le formateur ou la formatrice. Il n’y aura pas d’interaction directe pour amener les personnes à faire quelque chose. Nous ne pourrons pas observer l’acquisition des connaissances ou compétences en train de se réaliser.
Il est donc nécessaire d’imaginer une autre forme d’interactivité que les interactions directes, verbales, expérientielles.
Cliquer sur « suivant » est un geste important mais pas interactif
Alors on barde nos modules d’e-learning de « suivant », de flèches, de dividers, pour que la personne en formation multiplie les clics ? Comme ça, elle est active et maintient son engagement tout au long du module ?
Non : cliquer de manière répétitive, mécanique, irréfléchie sur « suivant » n’engage pas la personne en formation à faire preuve d’attention. Cela ne l’aide pas non plus à reformuler les notions découvertes. Ni à les connecter à ses connaissances antérieures. Pourtant l’attention, les reformulations, les liens faits avec les connaissances antérieures sont des gestes cognitifs essentiels pour l’apprentissage.
Proposer un clic sur « suivant » cela permet une chose et une seule. Cela donne le contrôle à la personne en formation : c’est elle qui détermine quand elle change d’écran. Cela lui permet donc de découvrir chaque écran à son rythme. Elle évite le stress d’un défilement automatique qui serait trop rapide pour elle. Ce contrôle fait partie des processus de métacognition. Ces processus sont essentiels lorsque l’on développe les stratégies d’apprentissage des personnes en formation.
Et puis le contrôle, c’est aussi une mesure d’accessibilité pour toutes les personnes qui naviguent au clavier ou avec des lecteurs d’écran. Le contrôle fait d’ailleurs partie des règles proposées par le Règlement Général de l’Amélioration de l’Accessibilité.
Il nous faut donc inventer des gestes cognitifs numériquement réalisables dans un parcours d’e-learning. Ces gestes ont pour but de créer un niveau d’interactivité suffisant pour un apprentissage effectif. Ils évitent de se limiter aux clics qui servent certes l’accessibilité. Mais qui, parce qu’ils sont machinaux, équivalent, en termes d’engagement dans l’apprentissage, à changer de stylo pendant une journée de formation.
À quoi peuvent ressembler de véritables mesures d’interactivité en e-learning ?
Donc, si cliquer sur « suivant » ne sert pas le critère d’interactivité, que peut-on imaginer d’autre ? Toutes les activités qui permettent à la personne en formation de reformuler les notions, de les illustrer par des exemples, de les organiser, de les mettre en lien, de formuler sa pensée, de questionner, d’analyser sont des activités valables. Ces activités demandent de la réflexion. Elles contraignent parfois à revenir en arrière pour vérifier ce qui a été transmis. Elles peuvent être l’occasion d’erreurs que des feedbacks viendront corriger.
L’idéal pour obtenir ces activités, c’est de les connecter à l’apprentissage par les pairs et à une présence à distance du formateur ou de la formatrice. C’est pour cela que les parcours hybrides dont je parle dans cet article ont à mes yeux plus de valeur que les parcours 100% e-learning.
Mais même sans temps de formation synchrone dans un parcours de formation, il est possible de proposer des activités qui ancrent l’apprentissage. Sélectionner une information parmi plusieurs fausses. Associer la bonne définition à un mot, ou le bon exemple. Replacer des éléments dans le bon ordre pour reconstituer un processus. Tout cela est réalisable en e-learning.
Finalement nos seules contraintes sont les mesures d’accessibilité et notre créativité. Alors pourquoi nous limiter à des clics fous ?!

